Les arts au lycée Louis Feuillade

Arts Plastiques et Cinéma-Audiovisuel

2 - Les diversités de l’art moderne



Au début du XXème siècle, les questionnements sur le statut et la fonction de l’œuvre d’art ont changé les considérations sur le dessin et sur son cloisonnement : dessin d'art d'un côté et dessin technique ou industriel de l'autre.
Le dessin a aussi profondément évolué grâce au renouvellement et à la modernisation des outils et sous l’impulsion des nouvelles techniques et améliorations scientifiques.

Ces ouvertures conceptuelles et technologiques sont arrivées rapidement au début du XXème siècle. Si certains artistes ont simplement élargi leur approche du dessin d’autres comme les dadaistes ont contesté toutes les formes de savoir-faire artistiques.

Les dadaistes puis les surréalistes vont étendre le champ du graphisme au grattage, à l’empreinte, à la trace, au décalquage, au collage, au geste aléatoire ou automatique, à l'écriture, au gribouillis de coin de table, etc., en utilisant toutes sortes d’outils, d’instruments et d’appareils pour produire des travaux qui influenceront de nombreux artistes et courants artistiques du XXème siècle (Fig 1, 2 et 3).

En dehors des dadaistes, la pratique élargie du dessin a conduit des artistes à adopter de nouvelles manières de dessiner par des tracés continus, en combinant des techniques différentes interrogeant les relations dessin / peinture, en se ressourçant dans les arts premiers ou d’autres continents.

Le ligne rien que la ligne

La ligne ne frisonne presque plus et les traits hachurés se font rares. C’est une autre manière de dessiner qui se repend. Dans cette première partie du XX siècle les artistes disposent maintenant d’une large palette de techniques graphiques. Certes dans les écoles le dessin académique (dessiner les ombres d’un plâtre pendant des heures) perdure ainsi que les apprentissages du dessin s’appuyant sur les manières d’Ingres, Delacroix, Rembrandt, Fragonard, etc. Mais les artistes qui s’installent dans la modernité, tout est possible, rien n’est interdit.
Picasso est un excellent exemple à ce sujet. Il a souvent déclaré n’avoir jamais fait des dessins d’enfant. Sous l’influence d’un père artiste et professeur d’art, il sera entouré de dessins académiques et naturalistes. Picasso n’y échappera pas. Il dessinera des croquis d’oiseaux comme son père, des copies de plâtres comme ses étudiants et… des dessins de tauromachie comme beaucoup d’artistes en Espagne.
L’oeuvre dessinée de Picasso est comme sa peinture : d’une grande diversité et sans contrainte stylistique. Il s’autorise tout, y compris des créations au traits minimalistes. Parfois, dans sa volonté d’aller à l’essentiel, de raclé son sujet jusqu’à l’os, il fait surgir la ligne rien que la ligne (fig 4). Ses travaux sur les taureaux sont à ce niveau exemplaires (fig 5 et 6 )

Beaucoup d'artistes de cette première partie du XXème siècle vont utiliser le trait simple. C'est le cas de Joan Miró (fig 8) et de Henri Matisse. Ce dernier a eu, comme son ami Picasso, des approches graphiques distinctes y compris dans le traitement d’un même sujet (fig 7).
Les questionnements autour du dessin, et plus particulièrement dans la relation à la peinture, ont été au cœur de son art. Vers la fin de sa vie, souvent alité par la maladie, ce grand coloriste renouvèlera sa création par l’usage des ciseaux : « Dessiner avec des ciseaux, découper à vif dans la couleur me rappelle la taille directe des sculpteurs ».
Matisse ne dessine pas seulement avec les ciseaux il réalise une synthèse ligne, couleur, peinture, sculpture et dessin.
Fig 5 - Pablo Picasso (1881- 1973) Taureau 1946 lithographie

Fig 6 - Pablo Picasso (1881- 1973) Taureau 1946 lithographie

Henri Matisse (1869-1954) Le chapeau à plume (1919) à gauche au crayon et à droite à l

Fig 7 - Henri Matisse (1869-1954) Le chapeau à plume (1919) à gauche au crayon et à droite à l'encre

Dans l’histoire de l’art, la relation du dessin / peinture a souvent été abordée. On retrouve des débats au XV siècle en Italie, puis en France où ce fut un grave sujet de discorde picturale au XVII siècle entre les partisans du dessin et ceux de la couleur. Il s’agissait de savoir si l’expression du sujet tirait sa force de la couleur ou du dessin.
Au XX siècle on retrouve un débat plus formaliste lié au graphisme dans la peinture. Dessiner dans (et à) la peinture, cerner au trait les formes, libérer la forme du fond, etc. On retrouve dans l’exemple de Picasso cité plus haut (fig 4) puis de manière récurrente dans la suite de son oeuvre. De nombreux artiste comme Fernand léger (fig 9) et plus tard Jean Dubuffet (fig 10) feront du cerne noir un élément fondamental de leur œuvre.

L’aventure de l’art abstrait a poussé encore plus loin les réflexions formalistes autour du dessin et plus particulièrement autour du trait ou de la ligne. Piet Mondrian arrivera à l’art abstrait en simplifiant peu à peu les traits de ses sujets (arbres, vagues sur un lac) (fig 11). Kasimir Malvcitch et surtout Vassily Kandinsky ont engagé un travail théorique approfondi sur les formes, les lignes, les couleurs et leur pouvoir suggestif dans leurs relations.

Dans un ouvrage fondamental « Point, ligne, plan » écrit en 1926 Kandinsky tente de dégager la grammaire picturale qui régit l’acte de peindre : « La ligne géométrique est un être invisible. Elle est la trace du point en mouvement, donc son produit. Elle est née du mouvement et cela par l’anéantissement de l’immobilité suprême du point »
Toute son œuvre au fil des évolutions sera profondément imprégnée par ses travaux théoriques (fig 12)

Vassily Kandinsky (1866-1944) Composicion VIII 1923

Fig 12 - Vassily Kandinsky (1866-1944) Composicion VIII 1923 - huile

L’après 45

Il y aura un tournant dans les années 50 avec l’œuvre de Jakson Pollock.
Le statut de sa ligne gestuelle dans ses « drippings » sera analysée par le critique d’art américain Michael Fried. Il affirmera que grâce au dripping « la ligne ne circonscrit aucune forme ni aucune figure, qu'elle soit abstraite ou figurative. N'étant plus une bordure ni un contour, elle n'isole pas des zones positives et des zones négatives, elle n'oppose pas une figure à un fond. C'est toute la tradition du dessin traditionnel qui est mise en échec. La coulée de peinture ne désigne plus un objet tangible, qu'on pourrait prendre dans ses mains et toucher." (Fig 13)

Cette révolution suggérée par Michael Fried complète les réflexions d’un autre critique d’art américain, Clément Greenberg, sur cette nouvelle peinture américaine appelée « expressionnisme abstrait » : ligne, forme et fond sont confondus limitant les effets illusionnistes de profondeur, la peinture est traitée en suivant le principe du « all over » (partout pareil) donnant l’impression qu’elle se prolonge au-delà du tableau, etc.
La pratique de Pollock est instantanée, pas besoin de dessin préparatoire. Ses lignes de peintures projetées sont une symbiose du dessin et de la peinture : « Je ne travaille pas à partir de dessins ou d’esquisses colorées. Ma peinture est directe. Je peins habituellement sur le sol».

Max Ernst (1891 - 1976) La forêt pétrifiée [1929] Frottage de mine graphite au revers d

Fig 1 - Max Ernst (1891 - 1976) La forêt pétrifiée [1929] Frottage de mine graphite au revers d'une gravure du XIXe

Marcel Duchamp (1887-1968) Stereopticon (1918-19)Crayon sur épreuves à la gélatine argentique contrecollé sur carton noir

Fig 2 - Marcel Duchamp (1887-1968) Stereopticon (1918-19)Crayon sur épreuves à la gélatine argentique contrecollé sur carton noir

Yves Tanguy. (1900-1955). Untitled (1936) Decalcomanie (transfert à l

Fig 3 - Yves Tanguy. (1900-1955). Untitled (1936) Decalcomanie (transfert à l'encre)sur papier

Pablo Picasso - buste d

Fig 4 - Pablo Picasso - buste d'étude pour les demoiselles dAvignon - 1907 - huile sur toile

Fig 4 - Pablo Picasso Taureau 1945 lithographie

Fig 5 - Pablo Picasso Taureau 1945 lithographie

Joan Miró. (1893-1983) Sans titre (1934) Gouache et crayon sur papier

Fig 8 - Joan Miró. (1893-1983) Sans titre (1934) Gouache et crayon sur papier

Fernand Léger (1881-1955). Partie de campagne, lithographie 1960

Fig 9 - Fernand Léger (1881-1955). Partie de campagne, lithographie 1960

Jean Dubuffet - Solario (portrait) - 1967

Fig 10 - Jean Dubuffet - Solario (portrait) - 1967

Piet Mondrian (1872-1944) Pommier en fleur 1912
Piet Mondrian (1872-1944) Pommier en fleur 1913

Fig 11 - Piet Mondrian (1872-1944) Pommier en fleur 1912 et 1913 huile

Jackson Pollock (1912-1956) Peinture - 1948 - argent sur noir, blanc, jaune et rouge - peinture industrielle

Fig 13 - Jackson Pollock (1912-1956) Peinture - 1948 - argent sur noir, blanc, jaune et rouge - peinture industrielle

Jackson Pollock (1912-1956) Dripping dans son atelier

Fig 14 - Jackson Pollock (1912-1956) Dripping dans son atelier