La présentation

Option facultative Arts Plastiques
Document rédigé par Patrick Perrotte 2002-2014
Lycée Louis Feuillade Lunel 34

 

 

La thème de la présentation concerne à la fois les opérations techniques et intellectuelles d'élaboration des œuvres et les modalités de leur réalisation et de leur mise en situation ou de leur mise en scène. La reflexion s'organise autour de 4 axes :
- l'aspect matériel de la présentation : le support, la nature, les matériaux et le format des œuvres ;
- tradition, rupture et renouvellements de la présentation : la tradition du cadre et du socle, ses ruptures et renouvellements contemporains ;
- les espaces de présentation de l'œuvre : l'inscription des œuvres dans un espace architectural ou naturel (privé ou public, institutionnel ou non ; pratiques de l'in situ) ;
- le statut de l'œuvre et présentation : le statut de la production ou de l'œuvre, sa reconnaissance artistique et ses éventuelles mises en question (« ready-made » ou création élaborée, caractère pérenne ou éphémère, unité ou éclatement des supports, etc.).

Dans un contexte traditionnel, tel qu’on le rencontre avant le XX, la présentation de l’art s’organise en fonction de critères plus ou moins simples bien ancrés dans les usages.

1- Cadre et socle :

Le pouvoir académique incontournable joue dans ce domaine un rôle déterminant dans la présentation des œuvres. Sur le plan matériel l’œuvre d’art n’échappe pas à l’institution de « l’isolant » : les peintures sont dotées d’un cadre, appelé aussi « bordure » aux 17ème et 18ème, plus ou moins surchargé et la sculpture est associée à un socle plus ou moins imposant.

En 1485, dans son traitée "Della Pittura", Alberti compare la peinture à une fenêtre dont il est convient avant tout d’en tracer le cadre, soulignant ainsi le rôle illusionniste de l’œuvre peinte et la nécessité de créer une distance avec la réalité. Le seul type d’œuvres qui se passe d’un cadre est le «trompe l’oeil», illusion parfaite qui déjoue les repères du spectateur.

Au moyen âge et à la renaissance le cadre était un ensemble architectural parfois complexe dans lequel s’articulaient des œuvres peintes (retables). Les éléments étaient parfois de simples bordures mais bien souvent ils évoquaient des colonnes, des voûtes, des ouvertures stylisées, des mobiliers, etc… On parle alors de « cadres cathédrale », de « cadre tabernacle », etc… A partir de la peinture classique dite « baroque » et tout au long du 19ème , la création de cadres devient une activité artistique importante. Les artistes encadreurs rivalisent de virtuosité. Les cadres sont parfois surchargés de motifs exubérants. Leur poids est parfois très imposant et nécessite des points de fixation résistants au mur. L’œuvre se cernée par une forêt de lignes végétales, d’arabesques et motifs géométriques plus ou moins imposants.

Les encadrements ne sont pas toujours définitifs, il n’est pas rare qu’une œuvre soit, d’une époque à l’autre, placée dans un nouveau cadre adapté aux considérations esthétiques du moment en matière de présentation.


Lorenzo Monaco - Le couronnement de la Vierge -1414


Atelier de Nicolas 1er LAUDIN 1628-1698

Les premiers peintres impressionnistes commencent à changer le rôle ou la nature du cadre. Edouard Manet était particulièrement attaché au cadre qui marquait ainsi l’achèvement de l’œuvre. Edgar Degas, tout en soulignant lui aussi son importance, rejetait cependant les dorures et proposa pour ses œuvres des cadres blancs. Il fut dans ce domaine un précurseur qui sera imité par de nombreux jeunes peintres. La réflexion sur l’encadrement est lancée et Georges Seurat en tirera une théorie sur les rapports étroits et harmonieux de l’œuvre avec son cadre. Auguste Renoir fait partie de ceux qui sont attachés au cadre classique.

Pour ou contre, les peintres impressionnistes affirment un élément nouveau : le cadre est leur affaire et non celle d’un marchand ou d’un exposant.

Au début du 20ème , avec l’émergence de nouveaux courants artistiques s’appuient sur de nouvelles considérations sur l’art, la question du cadre va encore évoluer jusqu’à atteindre en 1915 avec Kasimir Malevitch un tournant lorsqu’il avance l’idée d’un abandon pur et simple du cadre. Mais beaucoup sont encore attachés à la présence du cadre sous des formes plus ou moins traditionnelles. Si de manière très générale il n’est plus question de prendre des cadres surchargés, il existe des exceptions comme le marchand Daniel-Henry Kahnweiler qui placera des toiles cubistes dans des cadres du XVIII ! Pablo Picasso dans son tableau « Nature Morte à la chaise cannée » (1912), utilise une corde pour cerner le tableau. Cette proposition originale est l’une des premières tentatives visant à utiliser pour cadre un élément plastique de l’œuvre.


Pablo Picasso - Nature morte à la chaise cannée - 1912
huile sur toile cirée encadrée de ficelle


Kasimir Malévitch, Quadrangle noir sur fond blanc, 1915

 


Edouard Manet Olympia 1863


Goerges Seurat - Le cirque - 1891 huile - 185,5x152,5

En mars 1891, Seurat envoie «Le Cirque» au 8ième Salon des Indépendants dans un état non terminé et puisque le peintre meurt subitement pendant l’exposition, «Le Cirque» restera inachevé. Seurat a voulu représenter dans ce tableau, le spectacle du cirque, la gaieté de l’événement. A cette époque le cirque servait à détendre les gens, mais ce tableau n’a rien de détendu, et est plutôt solide et immobile dans une lumière métallique.
Le cadre rectangulaire peint avec un bleu foncé est de 185,5 cm de longueur et de 152,5 cm de largeur. Pour mieux accrocher la lumière et supporter les superpositions, Seurat utilisait de la peinture à l’huile. Tout le tableau est constitué de petits points de couleur pure.
Les impressionnistes vont introduire des cadres blancs ou colorés. Seurat inaugure sa pratique des cadres peints dans des couleurs complémentaires à celles de la toile. A partir de 1888, Seurat se met à peindre des bordures directement sur la toile.


Rodin et la question du socle du Monument des Bourgeois de Calais

Auguste Rodin proposa pour ses « bourgeois de calais » (1886 et inaugurée en 1895) une œuvre placée à ras de terre afin de mieux permettre aux spectateurs de sillonner du regard et de toiser à une hauteur humaine les personnages de la sculpture. Le socle n’a qu’une faible épaisseur, il n’est qu’un élément technique permettant de maintenir toute la structure. Il existe douze versions des « bourgeois de calais » réalisées entre 1886 (Calais la première) et 1995 (Séoul la dernière). Toutes ne sont pas présentées de la même manière. Dans certains lieux les exposants ont placé la sculpture au ras du sol (New York, Calais, Washington…) mais dans d’autres elle se trouve sur un imposant piédestal (Tokyo, Londres…). Traditionnellement et jusqu’à la fin du XIXe siècle, le monument public se signale dans l’espace de la cité par sa position élevée (sur un socle et ou un piédestal) une scénographie particulière destinée à le distinguer, à le «donner à voir». Le Monument des Bourgeois de Calais va entraîner Rodin dans une réflexion approfondie sur l’œuvre et son environnement, sa mise en scène et ce qu’elle implique pour le spectateur. Cette réflexion est complexe et elle ne s’arrête pas à l’inauguration du monument de Calais. Rodin la poursuivra tout au long de sa vie. C’est sans doute le caractère novateur de sa pensée et de ses propositions qui fait du Monument des Bourgeois de Calais une œuvre moderne qui ouvre les voies du XXe siècle des avant-gardes. La première maquette que Rodin soumet à la Ville de Calais montre un projet classique quant à la question du socle. Le groupe des six Bourgeois est juché sur un piédestal monumental. Rodin le décrit ainsi : «Le piédestal est triomphal, et a les rudiments d’un arc de triomphe, pour porter, non un quadrige, mais le patriotisme humain, l’abnégation, la vertu». Six mois plus tard, la deuxième maquette se présente bien différemment. Le socle a disparu.

Le projet mûrît et vers 1893, la question de l’emplacement du futur monument se pose. Ce point est lié pour Rodin à la mise en scène de l’oeuvre. Il hésite entre deux partis : son monument placé très bas place de l’hôtel de ville ou près du parc Richelieu ou au contraire installé sur un socle haut, les figures des Bourgeois se détachant sur le ciel au débouché de la place Richelieu vers le canal. La Ville lui impose finalement une installation sur socle haut (construit par l’architecte municipal Ernest Decroix ) près du parc. Rodin se dit néanmoins satisfait. Ce n’est que plus tard, bien après l’inauguration, que Rodin, qui n’a cessé de réfléchir à la question, déclare, réécrivant ainsi l’histoire, qu’il a toujours voulu un monument sans socle. Ses propos sont rapportés par différents critiques, en particulier Paul Gsell en 1911 : «Vous avez surtout très bien remarqué l’échelonnement de nos Bourgeois d’après leur degré d’héroïsme. Pour accuser plus encore cet effet, je voulais, vous le savez sans doute, faire sceller mes statues, les unes derrière les autres devant l’Hôtel de ville de Calais, à même les dalles de la place, comme un vivant chapelet de souffrance et de sacrifice. Mes personnages auraient ainsi paru se diriger de la mai- son municipale vers le camp d’Edouard III et les Calaisiens d’aujourd’hui qui les auraient presque coudoyés eus- sent mieux senti la solidarité traditionnelle qui les lie à ces héros. C’eut été je crois, d’une impression puissante. Mais on rejeta mon projet et l’on m’imposa un piédestal aussi disgracieux que superflu. L’on eut tort, j’en suis sûr». Ces déclarations sont particulièrement intéressantes, d’autant que peu de temps après, Rodin commence à travailler sur le projet d’installation de sa quatrième fonte à Londres, et qu’à cette occasion ses propositions vont radicalement changer.


En 1911, le National Fond achète un autre exemplaire du Monument des Bourgeois de Calais pour la ville de Londres. Il souhaite le placer dans les jardins du Parlement à Westminster. Dans ce contexte urbain et architectural, Rodin suggère d’installer son groupe sur un piédestal monumental de 5m de haut, se référant explicitement à deux grandes œuvres de la Renaissance italienne, deux statues équestres portées par un socle monumental : le Gattamelata de Donatello à Padoue et le Colleone de Verrochio à Venise.
«A Venise et à Padoue deux monuments élevés en hauteur de 5 ou 6 mètres de haut approximativement supportent chacun une figure équestre dont la base est un carré long ; ces monuments sont approchés à une faible dis- tance des murs des églises qui sont à côté. Comme vous le savez, l’effet en est splendide de tournure [...]. C’est dans ces conditions que je proposerai à votre sagacité l’érection des Bourgeois de Calais...qui doivent être placés en hauteur comme le modèle d’une grande action humaine entre l’Angleterre et la France. Je souligne la grandeur que prendra ce haut piédestal et le groupe architectural et la grandeur aussi qu’il empruntera à l’immense architecture du Parlement». Le monument est inauguré à Londres dans cette position haute. Ce n’est qu’en 1956 qu’il est rabaissé et déplacé au centre du parc tel qu’il demeure aujourd’hui.

A Calais, l’idée que la ville doit « réparation « à Rodin commence à poindre après la mort du sculpteur en 1917. En 1924, lorsque le monument quitte la place Richelieu pour la place d’Armes, on décide de réduire le socle pour se conformer aux idées de l’artiste. Le socle primitif est réutilisé mais « raccourci «, de même que la grille qui l’entourait. En 1945, le même dispositif est repris au moment de l’installation sur la place de l’hôtel de ville. Seule la grille disparaît. Toutefois, l’espace très dilaté de la place impose, à l’époque, une solution particulière : l’œuvre sur son socle très bas est rehaussée par un monticule de terre engazonné.

 

Constantin Brancusi

Brancusi demanda à Man Ray de lui apprendre la photo (prise de vue et développement) afin de pouvoir photographier son travail. Son intention était de créer des images qui montrent l’étroite solidarité du socle avec la sculpture proprement dite. Chez Brancusi le socle n’est pas un simple isolant neutre. Il joue un rôle essentiel dans un dialogue « haut –bas » ou mieux encore un échange « ciel-terre ».

L’une des sculptures les plus radicales de Brancusi est la Colonne sans fin, elle existe en plusieurs versions en bois (1916, MOMA, New York; 1920, MNAM, Paris; etc.) dont les dimensions varient considérablement. Cette colonne n’est pas au départ élevée ( 2 m), mais elle est constituée de losanges superposés dont le nombre semblerait pouvoir être, en droit, répété à l’infini. Le caractère infini de l’œuvre ne tient toutefois ni à sa dimension ni à l’absence de socle, qui fait du bois un immense socle ne supportant rien. L’infini est beaucoup plus qualitatif que quantitatif chez Brancusi et il tient à la réussite du rapport de proportion entre la hauteur et la largeur. La version de 1935 exposée en Roumanie mesure 30 mètres de haut.


Brancusi la Colonne sans fin

 

Marcel Duchamp

A New York, dès les débuts du XX, Marcel Duchamp en inventant le «ready made» (objet usuel élevé à la dignité d’œuvre d’art par la seule décision de l’artiste), inscrit dans le champ artistique une démarche et une réflexion qui auront un retentissement considérable. En plaçant un urinoir renversé sur un socle banal ou une roue de bicyclette sur un tabouret, l’artiste pose un regard nouveau sur l’art et reçoit beaucoup de la part des marchands et du public une grande hostilité.
Avec les «ready made», la question de la «présentation» ne se limite pas au simple rôle du socle mais concerne avant tout la présence même de ces objets (intrus) dans les lieux où sont diffusées les œuvres d’arts nouvelles : les expositions. «Les ready made», disait Duchamp, «ont pour fonction d’être là, parmi d’autres œuvres, et d’attirer l’attention du public. Ils permettent de revenir à des questions fondamentales sur l’art : son utilité, ses limites, etc...». Son urinoir, intitulé «Fontaine» était destiné à être exposé en 1917 à la première exposition de la Society of Independent Artist dont Duchamp, artiste connu, était membre du conseil d’administration. Conscient du scandale que cette œuvre pouvait provoquer, il signa cette «Fontaine» sous le nom de R.Mutt. Elle fut refusée ce qui provoqua la démission de l’artiste. Un ami de Marcel Duchamp retrouva sa «fontaine» au moment du démontage de l’exposition derrière une cloison... Une semaine après, la «Fontaine» était exposée dans une galerie contre une peinture représentant des soldats en train d’escalader une colline (qui avait une forme évoquant l’urinoir).


Marcel Duchamp - Fontaine - 1917

 


Marcel Duchamp - Roue de bicyclette - 1913 à 1964

 


Marcel Duchamp - LHOOQ - 1930 (1919)

2 - Lieux et comportements

La question de la présentation concerne également les espaces qui reçoivent les œuvres d’art. Si la peinture est  principalement  destinée  au  mur  et  aux  espaces  internes,  en  revanche,  la  sculpture,  plus  étroitement liée  à  l’architecture,  s’intègre  partout  dans  toutes  sortes  de  lieux  intérieurs  et  extérieurs.  La  peinture, comme  « fenêtre »  sur  un  monde  illusionniste,  s’impose  au  regard  de  manière  verticale  suivant  un  angle de  vue  réduit.  Seul  le  « trompe  l’œil »  et  les  images  d’anamorphoses  permettent  d’autres  positionnements du  regard.  La  sculpture  est  fondamentalement  inscrite  dans  l’espace  réel  du  spectateur  et  elle  fonctionne dans  toutes  les  directions à  et  travers  des  dimensions  très  variées.  Toutes  les  équations  sont  possibles. Comme pour le rôle du cadre ou du socle, les lieux où sont présentés les oeuvres n’échappent pas à la rigueur de la tradition. L’artiste du 19ème    aspire au Prix de Rome et surtout au Musée. Le « Salon » est l’événement majeur qui détermine la carrière artistique d’un peintre ou d’un sculpteur. Les sélections pour exposer sont de plus en plus difficiles et les jurys changent souvent les règles et les critères. En 1863, devant la fronde des recalés, on décide d’ouvrir au public l’historique « Salon des refusés ». Toutes les œuvres exclues du salon officiel sont regroupées (604 peintres dont Cals, Cazin, Chintreuil, Harpignies, Jongkind, Pissaro, Vollon, Whistler, Manet). Elles sont exposées dans des   conditions   particulièrement   défavorables. Les toiles sont accrochées les unes contre les autres  jusqu’à  des  hauteurs  élevées  que  seuls les spectateurs munis de jumelles peuvent voir. Le public est au spectacle. Il se moque, persuadé d’emblée que ces œuvres  n’ont pas été refusées  sans   raison. La médiocrité de nombreuses toiles, mêlées  à quelques pièces que l’histoire retiendra plus tard, donne de sérieux arguments à un public sans concession. La scandaleuse œuvre de Manet «Le Bain » (ou le «Déjeuner sur l’herbe ») deviendra même une attraction incontournable. On se déplace en famille pour rire devant cette peinture «ratée». Mais la peinture de genre est en crise. Les institutions académiques perdent peu à peu leur rôle incontournable de tremplin pour les artistes. L’art  s’expose  dans  des  salons  privés  et  des  marchands  commencent  à  s’intéresser  à  la  nouvelle  peinture impressionniste. Paris devient vite la capitale de la modernité artistique. En quelques années, d’autres courants vont émerger : fauvisme, futurisme, Nabis, cubisme, Dada, etc. En peu d’années des artistes comme Malevitch et surtout Duchamp vont mener une réflexion en profondeur sur l’art et le statut de l’œuvre d’art. Tout est pesé, analysé, détourné. Pour beaucoup, la démarche de l’artiste devient un événement artistique au même titre que la peinture ou la sculpture. Les technologies contemporaines sont exploitées, enrichissant ainsi le regard et la réflexion des artistes.

Les conditions d'exposition des oeuvres vont considérablement évoluer au XXème siècle. Les accumulations de tableaux serrés les uns contre les autres étaient très mal vécues par les artistes qui redoutaient notamment dans les grands salons de voir leurs oeuvres accrochées dans les recoins ou en hauteur ou à côté de tableaux indésirables. Cette habitude concernait par ailleurs tous les musées parisiens ou de province. Les immenses cadres chargés de dorures permettaient finalement de séparer légèrement les œuvres.

L’art autrement - L’art fuit les lieux d’exposition traditionnels ou les bouleverse

Après 1945, le champ des moyens d’expression va s’élargir et des nouvelles générations d’artistes vont faire du comportement  et de la démarche des éléments fondamentaux de la création artistique. L’art se donne en spectacle et n’hésite pas à bousculer parfois par un engagement politique les lieux traditionnels d’exposition : galerie, musées, biennales, etc.
De nouveaux termes et nouvelles expressions apparaissent : happening, performance, event, body art, art corporel, Land art, etc...
Allan Kaprow, un des premiers artistes à utiliser les installations, écrit que  : « l'art s'est déplacé de l'objet spécialisé en galerie vers l'environnement urbain réel. »


Felice Varini - Anamorphose 2006



Edouard Manet « Le déjeuner sur l’Herbe » 1863
Louis Beroud Le salon carré du Louvre 1883

Happening, performance, body art

Le happening est une action évolutive accomplie par des personnes qui agissent à l’intérieur d’un environnement déterminé. Lors de son déroulement et malgré une ligne directrice prévue à l’avance, il persiste une grande marge d’indéterminé, les réactions des spectateurs pouvant inter agir sur l’action en cours. La filiation du happening n’est pas à rechercher du côté du théâtre : il en diffère par le choix des lieux, comme par celui de ses participants, ainsi que par son postulat d’indétermination. En revanche, on peut observer un rapprochement entre le happening et les arts plastiques. Au cours du 20e siècle, les pratiques picturales et sculpturales sortent de leurs limites bidimensionnelles, puis tridimensionnelles, pour s’orienter peu à peu vers des assemblages. Ces derniers ont évolué en environnements, puis en happenings par l’introduction de personnes. C’est en effet dans une recherche de relations toujours plus directes entre l’artiste et le public, entre l’art et la vie, dans un refus de la récupération de l’art par le marché, que le happening apparaît. Au Japon, à partir de 1955, le groupe Gutaï - qui comprend neuf membres, dont Murakami Saburo, Kudo Tetsumi et Shiraga Kazvo - se fait connaître par des actions spectaculaires, comme celle de s’ouvrir un passage à travers une succession d’écrans en papier, déchirés au fur et à mesure de son avancée. Parallèlement, le happening fait son apparition aux Etats-Unis. En 1952, John Cage, alors professeur au Black Mountain College, crée un événement qui regroupe dans un même lieu des œuvres de Robert Rauschenberg, un ballet de Merce Cunningham, un poème de Charles Olsen et une musique de David Tudor.
Mais c’est sous l’impulsion de Allan Kaprow que le happening se répand dans le monde de l’art. En 1959, il réalise 18 Happenings in six parts à la Reuben Gallery de New York. En 1960, à Venise, Jean-Jacques Lebel réalise l’Enterrement d’une chose. Les artistes les plus représentatifs sont George Brecht, Dick Higgins, George Maciunas, Robert Whitman, Red Grooms, Ben Vautier, Jean-Jacques Lebel, Joseph Beuys et Wolf Vostell, ainsi que les artistes viennois Hermann Nitsch, Günter Brus et Rudolf Schwarzkogler. Le happening se présente souvent comme gestes politiques (Beuys) ou sociologiques (Ben, Vostell), mais aussi sous une forme poétique ou ludique (Kaprow, Oldenburg). A ces conceptions diverses, on peut associer les multiples terminologies qui nomment des dérivés du happening : event ou événement - action courte et anodine - pour Brecht, concert pour Fluxus, performance pour Oldenburg et action pour Beuys. Vers la fin des années 60, deux grandes tendances émergent : la performance, plus structurée et parfois narrative, qui replace souvent le public dans son rôle de spectateur ; l’art corporel (Body Art), où le corps de l’artiste devient un véritable médium.
Aujourd’hui la performance est une forme artistique très répandue et les lieux d’exposition (galerie, centres d’art, etc.) sont parfaitement adaptés à   l’accueil de ces pratiques éphémères. On pourrait évoquer l’artiste britannique Vanessa Beecroft qui présente depuis le milieu des années 90 des jeunes filles plus ou ou moins vêtues. Pendant les vernissages, elles font face au spectateur,  le plus souvent debout, elles ne parlent pas, elles ne bougent que très peu. Il ne reste en fin compte que des photos ou des vidéos.



Joseph Beuys - Coyote I like America and America likes me -
mai 1974 - performance


Vanessa Beecroft - Show - 1998 - performance

Art spectacle -  art de la démesure

Le spectaculaire, le grandiose sont maintenant récurrents. Avec des montages financiers importants certains artistes s’engagent comme Matthew Barney dans des œuvres mêlant toutes sortes de moyens d’expression. Difficile de caser dans un domaine particulier la série des 5 « Cremasters » dans lequel il met en scène de manière singulière des personnages, des lieux, des architectures, des objets, des films, des  sons et des musiques. Son univers étonnant montre des installations étranges voire inquiétantes dans lesquelles la cire, la vaseline et le plastique joue un rôle important. Le monde de Matthew Barney est à l’image de notre temps multimédiatique et hybride.
La notoriété et l’impact d’un tel artiste dans l’art contemporain lui permet de concevoir des projets démesurés, immenses tant dans les dimensions que par le nombre de personnes impliqués.

Ce n’est pas un exemple unique dans l’histoire contemporaine puisque Christo et Jeanne Claude ont réalisé des œuvres hors normes tout autour de la planète. Elles ont mobilisé parfois plusieurs centaines de personnes pour les mettre en place comme « Les parasols ». Un matin d’octobre 1991, 3100 parasols -, commencent à s’ouvrir, simultanément, à Ibaki, au Japon, et dans la région de Los Angeles, en Californie. Au Japon, les parasols bleus s’égrènent dans une vallée d’une vingtaine de kilomètres, au Nord de Tokyo. Plantés de façon rapprochée, ils épousent la géométrie des rizières, soulignent la couleur de la végétation luxuriante, et de l’eau . En Californie, ils sont jaunes. Ils s’étalent dans une vallée d’une trentaine de kilomètres, au Nord de Los Angeles. Leur couleur s’accorde aux collines marron, semées de broussailles, un paysage presque désertique. Dans les deux pays, ils évoquent l’occupation de l’espace, optimisé au Japon, plus aéré aux Etats – Unis. Ces parasols fonctionnement comme des haltes, des maisons ouvertes, des campements temporaires, une façon de suggérer le caractère éphémère de l’art.


Matthew Barney - Cremaster 2 - Goodyear Chorus - 1995


Christo et Jeanne Claude Parasols Bridge 1991

 

Land art, art de la terre, art éphémère

L’art de terre ou Land Art est un courant né aux USA à la fin des années 60. Ce courant s’inscrit dans le vaste mouvement du non-art fréquent dans l’art contemporain du moment. Refusant le système économique et culturel des galeries et des musées, le Land Art s’associe à une conscience écologique du territoire et à une redécouverte des cultures anciennes. Des artistes comme Michael Heizer, Robert Smithson, Walter de Maria, Dennis Oppenheim, Richard Long, Nancy Holt, etc. ont inscrit dans le paysage des œuvres parfois monumentales.
Des artistes comme le couple Christo et Jeanne Claude se sont engagés dans des œuvres monumentales qui s’étalent dans certains cas sur plusieurs km. D’autres comme Nils-Udo ou Andy Goldsworthy, utilisent la nature et ses ressources pour construire des structures éphémères et inattendues.

La monumentalité de certaines œuvres et surtout leur caractère éphémère induisent l’utilisation de moyens audiovisuels. Ces œuvres naissent et vivent hors des galeries ou des musées qui ne reçoivent en fin de compte que des traces : films, photos et parfois quelques pierres...



Robert Smithson - Spiral Jetty - 1970

Nancy Holt - Sun Tunnels - 1973-76


Andy Goldsworthy - Ice Piece - 1987

 

Arte Povera

Ce courant artistique italien apparu à la fin années fin 60 revendique l’utilisation de matériaux pauvres et précaires employés surtout pour leurs propriétés physiques, chimiques et symboliques. Les artistes n’hésitent pas à s’attaquer au circuit économique de l’art en tentant de placer l’œuvre d’art (souvent éphémère ou conçue dans un dispositif difficile à reproduire) dans d’autres lieux et espaces.

En 1969 Yannis Kounellis propose une'installation inattendue que provocante (qui devient une véritable performance) avec des Chevaux attachés aux murs de la galerie L’Attico de Fabio Sargentini. Les artistes de l'Arte Povera adoptent un comportement qui consiste à défier l'industrie culturelle et plus largement la société de consommation.

 


Pier Paolo Calzolari - Chien avec trois bloc de glace - 1968-86


Jannis Kounellis - Chevaux - 1969

Street art

Le street art  regroupe des pratiques artistiques urbaines très variées. Il est souvent associé au graffiti ou au tag. Pourtant beaucoup d’artistes des rues ont une pratique artistique qui n’a rien à voir avec le lettrage des « graffs » et la simple intention de marquer un lieu de son empreinte (signature) personnelle. Ainsi l’artiste anglais Banksy mêle des images et des slogans imprégnés d’humour et de politique. Même si cet artiste n’est connu qu’à travers son pseudo, et malgré des techniques communes aux autres graffeurs (pochoirs, bombes de peinture, …)  il se différencie par ses sujets et un style très différent.
Le street art est un art éphémère qui s’accorde avec difficulté aux politiques culturelles des villes qui refusent son côté sauvage et l’assimilent à une dégradation du paysage urbain. Le monde de l’art contemporain à travers son tissu économique et ses lieux spécifiques l’a longtemps ignoré. Aujourd’hui encore sa reconnaissance est loin d’être acquise. Certaines manifestations tendent à mettre en évidence dans les années 2000 comme l’exposition « Graffiti Stories », présentée à l'abbaye d'Auberive, au musée Paul Valéry (Sète) et au Musée international des arts modestes (Sète) ; (commissaires : Hervé Di Rosa et Pascal Saumad)

Le Street art a bénéficié en 2013 d’une couverture médiatique importante à propos du projet de la « tour 13 » à Paris.
La Tour Paris 13, la plus grande exposition collective de Street Art jamais réalisée
À l’origine, une tour du 13e arrondissement de Paris appelée à être détruite fin 2013 et une galerie qui promeut depuis de nombreuses années des artistes du Street Art.
Des mois durant, avec le soutien de la Mairie du 13e et l’accord du bailleur de l’immeuble, ICF Habitat La Sablière, la Galerie Itinerrance mène son projet de façon volontairement confidentielle : faire appel à plus d’une centaine d’artistes de Street Art, venus des quatre coins du monde, pour investir cette tour avant sa destruction. Une expérience en totale cohérence avec l’essence même du mouvement : à chaque artiste, un espace donné à investir, du mur au plafond, des interventions bénévoles et volontaires, une exposition ouverte à tous, sans aucune démarche commerciale, « rien à vendre », puisqu’à la fin, tout disparaitra dans les gravats.
A l’arrivée : la « Tour Paris 13 », la plus grande exposition collective de Street Art jamais réalisée avec plus de 4 500 m2 de surface au sol et autant de pans de murs et plafonds. 9 étages investis, 36 appartements allant de 4 à 5 pièces, parfois encore meublés, devenus le support d’artistes urbains de 16 nationalités différentes. Un projet manifeste du Street Art, hors normes, cosmopolite, ouvert un mois durant au grand public*, du 1er au 31 octobre 2013.
La « Tour Paris 13 » est également une aventure audiovisuelle et digitale inédite à travers un site dédié




 

3 - art numérique, art interactif

L’art contemporain est envahi depuis plusieurs décennies par les images numériques. Elles ont bouleversé  le rapport à l’art en  proposant des dispositifs de présentation singuliers et spectaculaires. Les démarches des artistes ont profondément évolué et rares sont ceux  qui d’une manière ou du autre évitent les moyens numériques actuels.
Les films numériques en tant qu’œuvres d’art prolifèrent dans le champ artistique.  Leur portabilité est immense, ils peuvent s’adapter à toutes les conditions de présentation et les créateurs font parfois de cette particularité un point fondamental de leur démarche.

L’omniprésence des réseaux sociaux, l’éphémérité   des informations et l’importance des  dispositifs interactifs ont apporté  au champ artistique des problématiques nouvelles suggérant ainsi des comportement nouveau pour le spectateur..    
La diffusion de l’art  passe  surtout  par internet.  Les artistes   occupent  le web pour présenter  leurs œuvres. Les pages sont des lieux d’exposition nouveaux qui ne tendent pas à remplacer le contact réel avec l’œuvre mais agissent comme une présence inévitable pour construire une notoriété et une histoire. 

Les institutions artistiques comme les musées sont également concernés. Les fondations, les  musées, les centres d’art etc… ont développé des sites internet avec des services culturels autour des œuvres. La société Google a mis en place une plateforme assez complexe avec la volonté de s’imposer comme le portail incontournable de l’art sur internet. Les outils  mis à la disposition des internautes  vont jusqu’à proposer des visites virtuelles des  plus grands  musées du monde.
Les grandes institutions s’engagent aussi dans la création d’outils  qui permettent d’accéder aux œuvres. Cela prend parfois la forme d’une collaboration étroite entre l’artiste et l’institution. Ainsi à l’occasion de la résidence de Claude Lévêque au Musée de Louvre une application disponible sur Ipad propose un parcours complet et inédit dans l’œuvre de l’artiste français. Ce projet est une première dans le monde de l’édition d’art, tant par la qualité et la quantité des documents que par l’usage du medium numérique au service d’une Œuvre contemporaine protéiforme. Il sera mis à jour régulièrement pour accompagner les futurs projets de l’artiste.

En proposant une nouvelle manière de présenter  les œuvres d’art, internet pose de nouvelles questions sur l’approche sensible des œuvres. Qu’en est il du contact réel avec l’œuvre ? Comment  ressentir sa matérialité, sa présence dans un espace spécifique ? Etc. L’idée  que la virtualité  pourrait remplacer  le contact  réel avec l’œuvre fait son chemin. Mais le  moment ou la sensation du réel   (sa matière, son espace, son odeur, son champ de vision, etc…)  sera  parfaitement restituée n’est pas encore d’actualité même si de nombreux procédés de duplication du réel comme l’holographie progressent rapidement. Les technologies d'holographie applicables à la muséographie ont considérablement évolué depuis les prises de vues monochromatiques  de  Youri Denisyuk  puis de Theodore Maiman en 1960.
Aujourd’hui certains musées de sciences naturelles présentent des images holographiques d’objets précieux et fragiles avec une illusion de réalité assez saisissante.  Il s’agit de reproductions au micron près des originaux, est bien au-delà en qualité de toute autre technique de copie.

Mais les  technologies les plus sophistiquées et complexes  resteront toujours des copies  aux yeux des spectateurs « conscients » relativisant ainsi l’idée que la virtualité pourrait un jour remplacer le réel. Cette remarque est souvent évoquée au niveau du cinéma pour relativiser le pouvoir immersif supposé des films.

Malgré cela beaucoup d’artistes contemporains restent attachés aux œuvres immersives. Loin d’une intention voulant rendre floue la limite avec le réel, ils cherchent plus simplement à englober le spectateur dans l’œuvre. Cela peut conduire à lui donner des moyens d’interagir dans l’œuvre.

Les happenings, performances, installations et vidéos ont depuis longtemps donné aux spectateurs des moyens d’agir dans l’œuvre ou tout simplement d’être totalement intégré dans l’œuvre.  L’art interactif est né bien avant l’ère du numérique.
Dans les années 70  l’artiste américain Dan Graham produit une série de dix d'installations dénommées de manière générique "Time Delay Room". Il présente ainsi en 1974 l'installation "Opposing Mirrors and Video Monitors on Time Delay" : 2 pièces, 2 moniteurs dans chaque pièce qui diffusent l'image de l'autre pièce avec 8 secondes de décalage. Il la décrit lui-même de la façon suivante : "Sur un moniteur, le spectateur issu du public A pouvait se voir seulement après un décalage de 8 secondes. Alors qu'il voit le public B (dans l'autre pièce) sur le deuxième moniteur, ce public le voit lui en direct sur un moniteur dont les images peuvent également être vues par le public A. La même situation est vrai pour le public B. Un spectateur peut choisir de passer d'une pièce (et d'un public) à l'autre. En marchant, le passage entre les 2 pièces prend environ 8 secondes. Un membre du public A qui entrerait dans la pièce du public B verrait alors l'image du public B qu'il a vu 8 secondes plus tot en quittant la pièce, mais il fait maintenant partie de ce public 8 secondes après. Comme 8 secondes se sont passées, la composition du continuum qui constitue le public B, a glissé comme dans un boucle temporelle - qu'il a rejointe alors que des membres présents se sont déplacées les unes par rapport aux autres dans la pièce que d'autres ont quittée pour rejoindre l'autre pièce."

C'est donc le spectateur qui devient le principal constituant de cette oeuvre qui constituera un modèle pour la plupart des oeuvres mettant en scène des décalages spatio-temporelles dans lesquelles le spectateur est simultanément sujet et objet de perception. Que se passe t-il quand il n'y a personne dans l'installation ? Il expérimentera autour de ce dispositif en utilisant l'effet larsen vidéo ou "feedback" en faisant se réfléchir le miroir et le moniteur, créant une mise en abîme infinie. Par la multiplication des reflets, "Graham complique la situation, lui conférant une dimension sociale, voire politique; en cela, il dépasse la mise en scène de la simple perception qu'il observe et rejette chez les minimalistes. Car cette oeuvre engage le spectateur non pas seulement comme sujet percevant, mais davantage comme une personne prise dans un réseau de relations : à se regarder en train de regarder, on porte sur soi le regard de l'autre (expérience du cadre social), et le dispositif, empruntant à la vidéo-surveillance, suggère jusqu'au contrôle que la société exerce sur les individus et leurs comportements".

Dès la fin des années 80 les outils numériques vont modifier peu à peu le champ artistique et le marché de l’art.
Catherine Ikam  a exposé en 1992 une sculpture virtuelle intitulée «  L'Autre » qui bougeait grâce aux déplacements du spectateur muni d’une télécommande. Ce dispositif innovant à l’époque est rapidement devenu une pratique courante et banale. Les technologies numériques évoluent vite, bouleversant les notions de progrès et d’innovation.  Mais certains dispositifs comme celui de Catherine Ikam gardent encore aujourd’hui un certain attrait auprès des spectateurs. C’est moins le cas avec l’un des précurseurs des images interactives numériques : Jeffrey Shaw .  Dans son installation  "Legible City" en 1989, le visiteur est en mesure de faire de la bicyclette stationnaire à travers une représentation d'une ville virtuelle dans laquelle les bâtiments sont remplacés par des lettres générées par ordinateur qui forment ainsi des mots et des phrases sur les côtés de la rue. Des plans de villes réelles - Manhattan, Amsterdam et Karlsruhe - ont été utilisés, l'architecture existante de ces villes étant alors complètement remplacée par ces formes textuelles écrites et compilées par Dirk Groeneveld. Voyager à travers ces villes des mots est donc un voyage par la lecture, le choix du chemin provoque une juxtaposition spontanée de textes et de sens. Le guidon et les pédales du vélo permettent au spectateur un contrôle interactif sur la direction et la vitesse de voyage. L'effort physique du cyclisme dans le monde réel est directement transposé dans l'environnement virtuel, ce qui tend à rapprocher l'organisme biologique et le domaine virtuel. Un vidéo projecteur est utilisé pour projeter l'image générée par ordinateur sur un grand écran. Un autre petit écran à l'avant du vélo montre un plan simple de chaque ville, avec un indicateur montrant la position momentanée du cycliste.
Les exemples issus de ces premières années sont nombreux et aujourd’hui ils constituent l’une des grandes caractéristiques de la création contemporaine.

Catherine Ikam  "L'autre" 1992


Jeffrey ShawDans son installation  "Legible City


Certains artistes L’artiste danois Thilo Franck a réalisé une petite pièce  (4 x 4 x 8 mètres ) sans fenêtre qui peut normalement être considérée comme un cauchemar claustrophobe. La pièce est bordée du sol au plafond avec des dizaines de miroirs créant un univers de réflexion qui semble s'étendre à l'infini. Intitulée "Le Phoenix est plus proche qu'il n'y paraît,"  l’œuvre suggère aussi que l’infiniment petit est aussi proche de nous. Pour vivre l’expérience de « The Phoenix Is Closer Than It Appears » (Le Phoenix est plus proche qu’il n’y paraît les utilisateurs peuvent utiliser une balançoire suspendue pour interagir avec l’oeuvre dans un mouvement spatial dans l’infini. Il n’y a pas de dispositif numérique mais le spectacle vert fait étrangement référence à l’esthétique de Matrix. Nous sommes d’une certaine manière au cœur d’une matrice générant des  étoiles d’algorithmes
Thilo Franck -The Phoenix Is Closer Than It Appears 2010


Le spectaculaire ou l’inattendu sont des grandes récurrences.  A ce niveau l’artiste Bill Viola  est un l’un des artistes contemporains les plus significatifs. Mondialement connu et disposant de moyens importants, il invente de grands dispositifs audiovisuels qui submergent le spectateur par un flots d’images numériques saisissantes.
Bill Viola travaille avec la vidéo depuis de nombreuses années. Il était déjà présent lorsque la vidéo était une technologie analogique traitée par des synthétiseurs et des consoles de montage bien moins performants que les outils numériques de post-production actuels.
Le numérique nécessite des moyens matériels et financiers solides.  Même dans des projets éloignés de la monumentalité des œuvres de Bill Viola, l’artiste doit disposer de ressources ou de soutiens importants. Une installation numérique, surtout si elle donne au spectateur un rôle singulier se place rarement en quelques minutes avec un simple lecteur DVD et un vidéoprojecteur. On retrouve cette inventivité et une haute technicité dans les installations de Pascal Dombis. Dans Géométries irrationnelles (2008), une installation murale de plus de 20 mètres, le spectateur est invité à l’entrée de l’œuvre à activer une grande corde tendue qui va affolée sur les murs des lignes multicolore-

 


Bill Viola The crossing 1996

Pascal Dombis. Dans Géométries irrationnelles (2008)

L’un des artistes les plus connus dans le domaine de la vidéo interactive est David Rokeby.  Depuis sa première apparition internationale à la Biennale de Venise en 1986, Very Nervous System - son œuvre la plus connue - continue d'être présentée de par le monde. David Rokeby a participé à de nombreuses expositions au Canada, aux États-Unis, en Europe, au Japon et en Corée.  Depuis son œuvre a considérablement grandi et certains dispositifs donnent aux  spectateurs une expérience sensitive hors du commun. C’est le cas avec « Dark Matter » (2010) un sculpture sonore qui  révèle sa « composition » avec les déplacements du visiteur.  Grâce à une technologie informatique complexe des sons surgissent en fonction des déplacements des mains : métal grinçant, les chutes de pierres, flammes, etc.


David Rokeby - Dark Matter - 2010